L’architecture est un vecteur et témoin des grands courants de société. Les bâtiments publics sont des outils pédagogiques puissants et participent activement à la transmission des valeurs. Aujourd’hui les villes et les bâtiments n’évoluent pas aux mêmes rythmes que nos sociétés, Ils traduisent dans leur stabilité une certaine permanence de la nature humaine. L’épuisement des ressources naturelles, les inquiétudes planétaires, donnent de nouvelles orientations à nos projets de société et leur impriment une accélération inédite. La reconversion énergétique du parc existant est un objectif ambitieux qui implique toutes les strates de la société.
Les architectes prennent la mesure de cet objectif et s’organisent avec les autres acteurs pour pouvoir répondre efficacement et durablement.
I. DIFFERENTS NIVEAUX D’ACTIONS :
Le bâtiment est la synthèse des choix techniques, économiques et sociaux opérés par la maîtrise d’ouvrage et la maitrise d’œuvre.
Parce que l’architecte porte la responsabilité de ses choix, il en revendique la maîtrise complète, d’où l’alerte de la profession sur les risques liés aux missions partielles.
La performance énergétique est un des curseurs qui règlent l’équilibre du bâtiment.
Elle implique à des niveaux différents, tous les aspects du projet architectural : son insertion dans le site, sa structure, la conception de son enveloppe, son rapport à la lumière, son rôle social…
Ré-intervenir sur un bâtiment existant, donc agir sur un ou plusieurs de ces curseurs, nécessite une bonne compréhension de sa conception, de son histoire, de la manière dont il est perçu et de l’usage qui en est fait; en parallèle d’une parfaite connaissance de l’évolution des technologies, des règlementations et des attentes de la société.
Dans les phases de diagnostic, prescription, mise en œuvre et suivi, il faut induire un comportement respectueux du bâti, impossible sans les investigations et connaissances nécessaires.
Améliorer les performances énergétiques d’un bâtiment, nécessite la maîtrise des éléments suivants :
Les éléments actifs du bâtiment, comme les organes de production de chaleur, de renouvellement de l’air, d’éclairage, l’équipement, …
Les éléments passifs comme l’isolation, les apports gratuits, la ventilation et lumière naturelle, les qualités spatiales mais également la bonne répartition programmatique, la prise en compte de la maintenance,…
Le comportement des utilisateurs, intimement liés aux qualités architecturales, et il faut également comprendre et questionner les choix d’origine en fonction des innovations techniques et des nouvelles règlementations.
Ces éléments sont les composantes majeures de l’architecture.
Il faut donc s’attendre à des réponses diversifiées et aussi nombreuses qu’il y a de bâtiments et d’architecte.
La performance thermique n’est pas la seule source d’économie à l’échelle du bâtiment, la reconnaissance du bâti ne peut pas donc s’arrêter aux seuls indicateurs de consommation énergétique, mais doit impérativement intégrer les notions de qualité d’usage, de qualités spatiales, urbaines, Sociales, patrimoniales, …qui sont autant des facteurs favorisant la sobriété énergétique.
Le diagnostic et son contenu sont donc déterminants.
Pour sa bonne connaissance des différents aspects du bâti, sa maîtrise de la synthèse, son rôle de conseil et pour lui permettre d’assumer ses responsabilités, il est important que l’architecte soit systématiquement investi dans les phases de reconnaissance du bâti, de préconisation et de mise en œuvre des solutions.
II. L’ÉQUILIBRE DU PROJET ARCHITECTURAL
La reconversion des bâtiments n’est pas une nouveauté pour la profession. Les bâtiments ont toujours eu plusieurs vies.
Que cela soit pour des changements d’usage ou l’intégration de nouvelles normes, de nouvelles règlementations, les transformations réussies se sont toujours opérées en considérant le projet dans sa globalité.
La recherche d’efficacité énergétique n’est pas nouvelle non plus. De tous temps les bâtiments ont recherché la sobriété énergétique pour des raisons économiques évidentes.
L’intégration de la haute technicité non plus. Les pyramides n’en sont pas l’exemple le plus récent.
Ce qui est nouveau c’est l’accélération : nous passons sur une très courte période, d’un principe de conception fondé sur la pseudo gratuité de l’énergie, à une nécessité vitale de préservation des énergies primaires. Nous n’avons pas le choix, il faut faire preuve de réactivité et d’efficacité durable.
C’est donc un virage à 90° que la société opère dans un temps très court.
qui nécessite une organisation dans l’urgence de toute la chaine de production du cadre bâti et un investissement de la société entière.
Les acteurs (Maître d’Ouvrage, Architectes, bureaux d’étude, entreprises, industriels, et utilisateurs) se sont rapidement structurés et produisent aujourd’hui des bâtiments de plus en plus efficaces et respectueux de leur environnement….
et c’est cette expérience qui nous permet aujourd’hui de réinterroger le bâti existant :
Equilibre, l’effet inverse
On le sait, à investissement équivalent, un bâtiment conçu de manière homogène avec des matériaux de performances moyennes sera toujours plus performant qu’un bâtiment moyen sur lequel on greffe des techniques de pointe: L’intervention sur un élément isolé peut provoquer des déséquilibres entraînant phénomènes des pathologies nouvelles…
La solution n’est pas liée uniquement aux performances des éléments mis en œuvre mais à leur cohérence, à l’homogénéité du bâtiment.
Depuis l’élaboration de son programme et tout au long de sa vie, le bâtiment doit être considéré comme un ensemble cohérent, en équilibres.
Au centre de ces équilibres il y a, l’utilisateur, l’usager.
Qu’il soit fonctionnaire, élève, public, ou habitant, c’est autour de lui que s’est faite la conception et c’est lui et son comportement qui influe la consommation d’énergie.
C’est aux Maître d’Ouvrage, industriels, architectes, partenaires de la MOE qu’il revient de concevoir des espaces intuitifs, simple d’utilisation et répondant au mieux aux attentes et aux capacités de la société.
Le but est de masquer la complexité et de banaliser la performance.
Donc en interrogeant les performances du bâti, il ne faut pas raisonner uniquement en terme de performance énergétique, mais de performances globales du bâtiment:
Capacité d’adaptation aux nouveaux usages, mise aux normes, (électricité, gaz, incendie, accessibilité, parasismique…) qualité de l’air, confort,…bonne insertion urbaine, sont des facteurs favorisant la sobriété énergétique.
En agissant sur des paramètres diversifiés, les solutions se multiplient et leur réglage technique et économique est plus facile à maîtriser.
III. LES ENJEUX POUR LA PROFESSION
Nécessité d’une chaine d’acteurs réactive et partageant une culture commune
Opportunités :
La reconversion est un grand projet de société qui s’inséré dans le cadre de préoccupations planétaires. Il libère des énergies nouvelles à tous les échelons de la société et il touche à plusieurs niveaux l’intérêt du public. C’est un formidable facteur de relance économique
Pour le public, Il vise
- au respect des enjeux environnementaux
- à l’amélioration et la requalification de la Ville et de l’espace public
- à informer et à transmettre aux génération futures un patrimoine et des usages nouveaux.
- à la préservation des deniers publics
Pour les professionnels
- Il ouvre des perspectives de nouveaux marchés
- et permet une meilleure connaissance du bâti grâce à un retour d’expérience qui va pouvoir alimenter la recherche et affiner une approche en coût global.
Formation :
La formation initiale apprend à concevoir mais également à restructurer des bâtiments.
L’Habilitation de la Maîtrise d’œuvre en son Nom Propre produit une génération d’architectes informés, réactifs, sachant trouver l’information, la formation continue permet aux agences de se diversifier, d’élargir les domaines d’intervention, de s’investir dans le domaine de la recherche.
Néanmoins Il est vital que la société prenne conscience de l’enjeu d’une profession correctement formée, informée et réactive, en mettant les moyens nécessaires à sa formation.
Objectifs :
- Créer une culture de sobriété énergétique commune à tous les acteurs et encourager la créativité
- Diffuser la culture architecturale et faire comprendre au public le rôle et les responsabilités des différents acteurs,
- Opérer des rapprochements et fluidifier la communication entre les sphères industrielles, du bâtiment, de l’ingénierie, de l’enseignement et de la recherche.
- renforcer les synergies dans l’acte de bâtir et optimiser la réactivité de toute la chaîne pour permettre des actions rapides et réfléchies au rythme des transformations de nos cadres de vie.
Propositions pour les particuliers :
- Lier les aides allouées aux ménages et/ou aux copropriétés pour réaliser des travaux de rénovation énergétique au recours à un architecte (Ou proposition alternative : mettre en place des incitations fiscales pour le recours à un architecte dans le cadre de travaux de rénovation)
- Dans le cadre de l’appel à projets « accompagnement de la rénovation énergétique des logements privés » annoncé par le Président de la République lancé en 2013 à l’attention des collectivités, valoriser les démarches systématisant l’intervention d’un architecte.
- Développer dans le cadre du service rendu au public par les collectivités et/organismes para-publics, les dispositifs « d’architectes-conseils »
- Favoriser la recherche et l’expérimentation, associant architectes et fabricants.
- renforcer les moyens alloués à la formation des architecte
Guilhem Roustan Architecte Vice Président Mouvement des architectes