50% des architectes exercent, comme moi, en libéral, sans salariés.
Cette formule est sans doute très répandue car nous ne sommes pas formés à être gérants de sociétés. Parmi ceux qui ont sauté le pas, combien n’ont pas essuyé les plâtres dans la douleur, faute d’être suffisamment armés pour diriger une entreprise ?
Combien peuvent encore se targuer de dessiner leurs projets, quand leurs journées sont passées à vendre leur agence, à vérifier les comptes et les obligations légales, comme dans toute entreprise ?
Il y a une raison à cela : notre métier est en lui-même si complexe, déjà si juridique, qu’il y a peu de place -et peu de temps- pour une casquette supplémentaire. Patron est un métier.
Deux mesures permettraient de doter à la fois notre pays d’agences plus performantes, et de reconnaître le métier d’architecte, même au sein d’agences détenues par des non-architectes :
Il est possible de renforcer le statut d’auteur. Pas en imposant à ceux qui photographient des bâtiments, un droit archaïque, non. Mais en imposant que tous ceux qui auront eu un rôle de conception sur un bâtiment soient reconnus comme tels, c’est à dire cités dans les articles, cités sur les Permis de Construire, cités sur les bâtiments eux-mêmes. On le fait bien pour les films, dont les génériques citent le moindre stagiaire en décoration, alors pourquoi pas pour des oeuvres plus pérennes (encore que la pérennité d’un film pourrait dépasser facilement celle de certains bâtiments) ?
Le statut d’auteur pourrait être reconnu au sein d’une entreprise. Il serait inaliénable et formerait une protection mettant l’architecte à l’abri de pressions diverses, protégé qu’il serait par l’ordre des architectes, comme c’est le cas pour un syndicat. Cela implique que tout diplômé d’architecture travaillant en France intègre automatiquement l’Ordre, qui devra faire une profonde mutation pour cela.
Distinguer le statut d’auteur de celui de patron d’une agence qui fait des projets d’architecture, permettrait enfin de sortir de la confusion des enjeux .
Former les architectes à gérer une agence, à gérer des salariés. Cet enseignement diplômant devrait être proposé par toute école d’architecture, dans ou hors de ses murs.
Martin LUCAS, architecte